Telle une armée en campagne, la chenille processionnaire avance vers le nord de la France à la recherche de pins ou de cèdres à effeuiller. Conséquence palpable du réchauffement climatique, c’est à présent presque tout le territoire qui est favorable à son développement...
Le front d’invasion de cet insecte ravageur part du Finistère, passe par le sud de la région parisienne pour atteindre finalement le lac Léman. Il se trouve actuellement à une vingtaine de kilomètres seulement de Paris. Le front avance en moyenne 5 kilomètres tous les ans, d’après les chercheurs de l’unité de recherche de Zoologie forestière qui suivent cette évolution. Au total, en quelque 20 ou 30 ans, la chenille s’est emparée d’environ 100 000 km2 de territoire français.
La chenille processionnaire gagne aussi des terres en hauteur. Ainsi, des zones élevées du Massif central, des Pyrénées ou des Alpes qui ne connaissaient pas l’insecte, sont désormais sous sa coupe. Les chercheurs calculent qu’elle gagne entre 3 et 7 mètres en altitude par an.
Mais ce n’est pas tout : la processionnaire a aussi réussi à placer des postes d’avancée. Les chercheurs d’Orléans ont recensé huit foyers situés au nord du front d’invasion, dont six en Île-de-France. Comment est-elle arrivée là ? « Nous suspectons qu’elle a profité du transport d’arbres de grande taille. Dans les mottes de terre, il y a pu y avoir des chrysalides de chenille processionnaire, avance Jérôme Rousselet, chercheur à l’unité de recherche Zoologie forestière d’Orléans.
Avant les années 1990, la Loire constituait en quelque sorte la frontière Nord du territoire de la chenille processionnaire. Les années favorables, elle gagnait quelques kilomètres, qu’elle perdait ensuite lors d’hivers plus rigoureux. Mais à partir de cette décennie, le changement climatique a commencé à faire sentir ses effets. Ainsi, dans le Bassin parisien, la température moyenne minimale d’octobre à mars a augmenté d’environ 1°C en vingt ans.
Expansion de la processionnaire du pin dans le sud du Bassin parisien. La zone favorable au développement de la chenille a commencé à s’étendre. Autre
facteur clé permettant l’expansion de la processionnaire : sa nourriture préférée, les pins et cèdres, est présente dans tout le territoire, que ce soit sous forme de petites plantations ou
d’arbres isolés.
Durant des années, la processionnaire était pour les scientifiques une extraordinaire sentinelle climatique : son expansion révélait très nettement la modification progressive des températures. Ce n’est plus le cas : « aujourd’hui, c’est la majeure partie du territoire français qui, du point de vue des températures, est favorable à la chenille. Si elle n’a pas encore tout envahi, c’est parce que son expansion naturelle est plus lente que le changement climatique », constate Alain Roques, directeur de l’unité de recherche Zoologie forestière.
Ce laboratoire coordonne actuellement un réseau, appelé PCLIM1 qui réunit 80 chercheurs de 20 pays. L’objectif est d’apprécier les réponses adaptatives au changement climatique des processionnaires et de leurs organismes associés.
(1) « Processionnaires et Climat »: réseau mis en place par l’Inra dans le cadre du métaprogramme ACCAF (Adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique).
sources INRA